Mes débuts dans la BD se font vraiment avec le Pr. Yoyo, personnage qui apparaît pour la première fois en 1981 dans les pages de Sandwich le supplément du samedi proposé par le quotidien Libération. Nous sommes peu de temps après l'élection de François Mitterand. Le mouvement punk est derrière nous mais l'énergie est toujours là. Ça bouge, ça saute et nos danses de l'époque m'inspirent toute une série de personnages aux mouvement frénétiques. À ce groupe de danseurs il faut un prof bondissant et ce sera donc le professeur Yoyo à la silhouette élégante et énigmatique. À ce moment, Libération en plein changement, est particulièrement marqué par diverses tendances progressistes en matière de graphisme. Sa maquette évoluant, on y trouve de nouvelles façons de dessiner. Des auteurs et autrices jusque là inconnu.e.s au bataillon y prennent leur marques.
Je me décide et prends avec moi mes dessins de danseurs pour me rendre rue de Crimée où se trouvent les locaux du quotidien. Mes dessins plaisent et la directrice artistique du moment les conserve en me disant que ça paraîtra un jour ou l’autre. En fait, dans ce supplément Sandwich, le principe est simple ; les dessins sont utilisés comme animation graphique sans réel rapport avec le contenu qui consistait en annonces « Chéries », « Locations », « Déménagements » et quelques critiques de spectacles. On illustre mais sans être illustrateur. La publication de ces dessins s’est faite rapidement. J’en ai même été prévenu la veille. Je le peux dire aujourd'hui : cette nuit-là, je n’ai pas dormi.
Par la suite, le Pr. Yoyo est devenu un vrai personnage, vivant de curieuses aventures, outre ses apparitions dans Libé, on l’a vu dans Télérama et, de façon plus régulière et approfondie, dans Viper le magazine de BD orienté légalisation de la dope. L'Enjeu, le magazine politique de Chevènement à même publié deux ou trois de ses facéties. Une histoire écrite conjointement avec Emmanuel Moynot et qui devait paraître dans Viper est restée dans les tiroirs suite à l'interdiction du journal. Inédite pas tout à fait car Gorgonzola l'a passée dans ses pages, il y a quelques années en format très réduit. Mieux que rien.
L'ordinateur Macintosh m'éloigne beaucoup de la bédé classique et m'entraîne vers de curieuses suites narratives que je publie dans ce que l'on nommait des Graphzines au cours des années 80. J'oublie donc les pinceaux et Pr. Yoyo tombe malade dans sa dernière aventure. Quelques mois auparavant j'avais créé le graphzine "Au Sec!" Suprême d'Images en 1983 avec mon compère Toffe. Je souhaitais, pour ma part, que la couverture soit en couleurs. Mon père dirige alors un atelier de fonte de lettres (Monotype) et je le mets à contribution pour l’impression (artisanale) de la couverture du N°1. Faire ça en trois couleurs allait être du plus grand chic… Il y avait, dans l’atelier, une machine pour réaliser les épreuves des textes en plomb, dont le rendu était d’excellente qualité. L’impression de cette couverture se déroula très bien. Mais… suite à un problème de séchage notre couverture pendit pendant plus de trois semaines au bout de fils tendus à travers l’espace de l’atelier… 300 exemplaires, quand même. Les numéros suivants furent imprimés en offset, c’était moins risqué.
Dès le numéro 2, je lâche une histoire assez abstraite ET PATATI !ET PATATA !, qui propose une façon de faire originale, un genre d'Abstract Comix. Après le numéro 3 mon intérêt pour la bédé décroit.
Puis au début des années 90, c'est le come-back : nageant au milieu de mon activité d'illustrateur de presse/magazine, je crée un nouveau personnage témoin des faits sociaux, économiques et culturels dans la région où je vis. Publiées dans les pages d'un magazine local Trans Sud voici donc Roro Tête de Veau dont le programme consiste à étaler sa bêtise. Cela, sans aucun complexe. Une trentaine de strips verront le jour de 1991 à 2001. Ce personnage est resté très local mais sa portée n'est guère universelle.
C'est dans la même période (1996) que je dessine encore des planches pour l'heddo STRIPS. Mon personnage TeKnogus y trouve sa place, hélas pour une trop courte période. Ce journal si original coulant après son cinquième numéro. C'est dans Comix 2000 , une somme éditée par l'Association du même nom que ce petit robot passablement désabusé apparaitra une fois encore sur trois pages. Roro et TeKnogus sont réalisés avec Illustrator pour le trait et Photoshop pour les mises en couleurs. On le retrouvera enfin dans Fusée, la revue de science-fiction de Christophe Bouillet.
En 2005, après un long moment passé sans production de bulles et de cases, c'est sous mon pseudo de Comérode que j'invente les Éditions du Troisième Cheval afin d'éditer les premiers livrets du Chevalier Fleurette. Ce retour à l'encre, la plume et aux pattes de mouches était une façon d'échapper aux contraintes fatiguantes liées à l'utilisation de l'ordinateur, et aussi à un désir de minimalisme. Le magazine/fanzine Gorgonzola (cité plus haut) dirigé par Maël Rannou publia en 2013 quelques histoires originales hors Saga (5 livrets) du petit Chevalier.
En 2018, ma rencontre avec Xavier Dole qui pilote les Éditions Le Chant des Muses a favorisé mon retour vers la bédé. Nous avons organisé tous les deux la manifestation BD-Days à Octon (34700) au Village des Arts et Métiers année durant laquelle Xavier lança son Zine des Vieux Znocks, à savoir Zinozorrus dans lequel, au fil des numéros, ont été republiées d'anciennes bédés de mon cru.
Ce qui devait arriver arriva, j'ai enfin réalisé deux pages pour le # 10 paru en septembre 2021, (Le Potofeu, sur un scénario de Véronique Emmenegger) dont Xavier a saisi une case pour la placer en couverture.
Et voilà où nous en sommes aujourd'hui… c'est à dire en 2024. À suivre…
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